L'édition de jeux vidéo
Les principes
L'édition de jeux vidéo consiste à choisir ou élaborer un univers de jeu (par exemple en récupérant une licence d'un personnage connu), à rassembler les compétences nécessaires pour le réaliser (souvent un studio de développement pré-existant), à le financer (investissement et prise de risque), à l'aider à produire le jeu, puis enfin à le placer auprès de distributeurs de telle sorte qu'il se vende bien, et que les royalties adoptent un mouvement inverse des développements, du distributeur jusqu'aux développeurs, en passant bien sûr par l'éditeur.
Certains éditeurs disposent en interne de leurs propres studios de développement, de telle sorte qu'un jeu qui porte leur marque peut soit être réellement leur oeuvre, soit, dans le pire des cas, être un produit réalisé à 100% par des tiers sur lequel l'éditeur se sera contenté d'apposer son logo.
Quelques éditeurs connus : Atari (ex-Infogrames), Electronic Arts, Capcom, Ubi Soft, Activision, Eidos, Konami, Acclaim.
Aux yeux du grand public, la part de mérite rattachée à un jeu est mal affichée, puisque le plus souvent la marque de l'éditeur supplante de loin en visibilité celle du studio de développement (quand elle y figure), de telle sorte que beaucoup pensent que les réels créateurs de l'oeuvre sont les éditeurs !
La réalisation
L'envers du décor chez les éditeurs
- s'attirer les bonnes grâces des journalistes : les éditeurs de jeux vidéo leur offrent de somptueux voyages aux quatre coins du monde (ex : Infogrames et St Tropez, Ubi Soft et Milan ou le Canada, Universal et Barcelone [2], Microsoft pour la XBox et Cannes [3], etc.), la plupart du temps dans des conditions luxueuses. Sans oublier les petits cadeaux (tee-shirts, jeux, tarifs préférentiels, tests de produits qui se transforment en « prêt illimité », etc.) et les fêtes en France où le champagne coule à flot ! De quoi s'interroger sur l'intégrité et l'éthique des acteurs du
monde merveilleux des jeux vidéos ([2] - [6]). Qui a dit manque de déontologie et collusion coupable ? Dans la même lignée, envoyer dans des lieux paradisiaques des jeunes journalistes de la presse des jeux vidéo (stéréotype : célibataire, masculin) et de charmantes attachées de presse, bien que cela ne soit vraisemblablement pas calculé pour, aboutit néanmois à la formation de couples qui, est-il besoin de le dire, ne favorisent pas l'indépendance de la presse spécialisée ([7])
- faire référence à de fausses bonnes critiques, inexistantes, voire existantes mais, au contraire, négatives ! ([2])
- interférer avec la liberté rédactionnelle par le biais des annonceurs [2]. LA maladie de la presse des jeux vidéo.
- utiliser des preuves douteuses dans un procès : dans le cadre du procès anti-trust à l'encontre de Microsoft, des lettres de soutien à
l'éditeur soumises à l'attorney général de l'Utah se sont révélées envoyées d'une ville qui n'existait pas et deux émanaient de personnes
décédées ! ([2])
- faire des annonces anticipées pour couper l'herbe sous le pied des concurrents, et annuler des sorties prévues de longue date (Shenmue 2, de Sega) ([4])
- présenter des jeux peu jouables et graphiquement indigents en montrant uniquement quelques scènes cinématiques à couper le souffle (ou comment frôler au plus près la publicité mensongère)
- fausser les statistiques (des employés de Microsoft Angleterre utilisaient des outils d'envois automatiques de mails pour fausser un
sondage demandant quelle plate-forme pour les web services les sondés comptaient utiliser)
- se moquer des utilisateurs finaux (ex : Sega qui ne cesse de sortir la « dernière édition limitée » de sa Dreamcast [5], Sony qui lance
une gamme de réédition Platinium des meilleurs jeux sur PS2 en ayant surbaissé le niveau minimal de ventes pour qu'un jeu soit éligible [5],
Electronic Arts qui fait payer les bêta-testeurs de son jeu Motor City Online [6], Konami qui sort une édition collector de Metal Gear Solid 2 à 300 000 exemplaires (!) rien qu'en France, très chère, alors qu'il n'a jamais existé de version normale [6])
- maquiller ses produits (ex : Epic Games qui retouchait manuellement les photos de son jeu Unreal 2, pour truquer les ombres [6])
- entraver par des artifices légaux les projets (même non-commerciaux) susceptibles de potentiellement leur nuire à terme (ex : Blizzard qui force la fermeture du site du projet Bnetd, permettant d'émuler des serveurs Battlenet, leur reprochant de ne pas vérifier le numéro de série des jeux clients, sachant que Blizzard refusait de communiquer ses algorithmes de vérification). Dans ce cas là, les éditeurs se retranchent souvent derrière le très décrié DMCA (
Digital Millenium Copyright Act
) et la licence d'utilisateur final qu'ils concèdent à leurs clients (End User License Agreement, EULA
). Des organisations à but non lucratif, comme l'Electronic Frontier Foundation
, s'y opposent légalement au nom d'un droit à la rétro-ingéniérie s'il s'exerce non pas à des fins de violations de droits d'auteurs mais afin de créer des plate-formes alternatives et gratuites (en l'occurence, des serveurs BnetD, un logiciel libre émulant les serveurs Battle.net)
- spolier des individus de leur droit à l'image sans contrepartie : l'exemple le plus frappant est celui des images et des noms de joueurs et d'équipes utilisés sans autorisation. Malgré de nombreux procès perdus par les éditeurs, la leçon n'est toujours pas intégrée semble-t-il (ex : Electronic Arts, [7])
- rogner sur les coûts jusqu'à ne laisser aucun avantage aux acheteurs par rapport aux copieurs (ex : la tendance à aller jusqu'à
supprimer les manuels papier, pour faire des économies chez Virgin Interactive ou Microsoft [6], avec le manuel de Flight Simulator 2002 Pro
qui fait 500 pages environ à consulter sur écran désormais !)
- créer des institutions de lutte contre le piratage (BSA) qui s'arrogent des droits qu'ils n'ont pas (perquisition en entreprise sans aval judiciaire)
- bâcler des localisations (adaptations locales) pour les marchés jugés non-prioritaires (ex : en Europe, trop souvent les traductions de la documentation et des jeux sont calamiteuses, quand elles existent, et les conversions de format vidéo, de NTSC vers PAL, sont souvent bâclées. Ex : Electronic Arts [7])
- s'entendre entre gros éditeurs pour spolier les petits (ex : ELSPA, European Leisure Software Publishers Association, regroupe des
éditeurs qui utilisent cette association pour défendre leurs intérêts au détriment des petites sociétés, boycottées de fait [6])
- voler d'autres éditeurs de jeux (ex : non-reversement des droits de jeux vendus, fabrication de versions non-autorisées qui s'assimile à du piratage pur et simple, [6] ou détournement de nom de domaine de concurrents [6])
- priver les studios de développement de visibilité : très souvent, seuls les éditeurs sont connus du consommateur final, il est donc excessivement difficile pour les studios de faire connaître leur marque de fabrique.
- prendre, dans le pire des cas, la forme de simples intermédiaires qui se greffent dans la chaîne de valeur sans apporter de réelle plus-value (parasitisme)
Sources
- [1] Les Puces Informatiques numéro 16 (juin 1999)
- [2] Les Puces Informatiques numéro 37 (octobre 2001)
- [3] Les Puces Informatiques numéro 38 (décembre 2001)
- [4] Les Puces Informatiques numéro 40 (février 2002)
- [5] Les Puces Informatiques numéro 41 (avril 2002)
- [6] Le 19ème virus informatique (mai 2002)
- [7] Le 26ème virus informatique (juin 2004)
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Dernière mise à jour : 2 Octobre 2004