Comme cela fut le cas avec le rock, les bandes dessinées puis la télévision, les jeux vidéo, s'étant répandus dans toutes les couches de la société, sont diabolisés et cibles de nombreuses critiques. Ils sont en effet censés, entre autres, favoriser les crises d'épilepsie (en lire un décryptage dans [7], p. 22, étude du CNRS) ou les comportements violents des joueurs (plus d'infos dans notre petite rubrique sur la sociologie des jeux vidéo). Alors : malcompréhension ? Peur ? Inquiétudes fondées ?
Depuis 1999 en tout cas, l'association Famille de France, amatrice de chasses aux sorcières, s'en prend régulièrement à ces "pervertisseurs de jeunesse", que sont les éditeurs et les distributeurs de jeux. Cette association bénéficie d'une forte audience de la part de la presse généraliste, qui en reprend nombre des critiques sans nécessairement faire la part des choses ("Des jeux vidéo toujours plus violents", Le Parisien, 18/8/1999, "La surenchère morbide des jeux vidéo", Le Figaro, même date).
Comme l'analyse Gentiane Lenhard dans son livre, nous sommes passés "insidieusement d'un procès d'intention, cristallisant les angoisses des parents qui rencontrent des difficultés dans l'éducation de leurs enfants, à la création d'un mythe très peu dénoncé".
Familles de France (FdeF) a été dirigée par Brigitte Chapouthier, qui a fondé d'après [1] l'association Droit et Vérité afin de défendre le criminel de guerre Paul Touvier, et qui milite contre l'avortement, l'homosexualité et les politiques en faveur du préservatif. 150 000 familles adhèrent à Familles de France, qui est une fédération nationale de 565 associations, disposant d'un budget d'environ un million d'euros par an. FdF étant une "méta-association" (association d'associations, sur plusieurs niveaux), il arrive très fréquemment, d'après de multiples sources (voir en fin de page), que des personnes affiliées à des clubs quelconques (ex : de yoga) grossissent à l'issue de leur inscription innocente (c'est-à-dire le plus souvent à leur insu), les statistiques de FdF. Sans bien sûr nécessairement partager leur curieuse conception de la vie.
Cette association est partie en croisade contre les jeux vidéo qu'elle estime violents le 8 février 1999. Quelques jours après, les grandes surfaces retiraient de leurs rayons les jeux vidéo sur lesquels l'association avait jeté l'opprobe, probablement de peur d'éventuelles poursuites judiciaires intentées par FdeF, et ceci malgré la codification des jeux préconisée par le SELL (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs, [plus d'infos]) et appliquée par les éditeurs. FdeF a attaqué le SELL pour publicité mensongère. Des analyses, très inquiétantes, portant sur les objectifs, les façons de procéder et la direction de Familles de France sont consultables, notamment un article de Jean Gilbert, et des informations sur les relations de cette association avec la presse des jeux vidéo (extraits d'articles ou d'interviews).
Le plus regrettable, en-dehors de la part de subventions publiques qui entre dans le budget de cette association douteuse, est peut-être que les journaux télévisés reprennent souvent sans le moindre recul le contenu éditorial innocent que leur fournit FdeF (ex : les enquêtes de la rentrée sur l'évolution annuelle du prix moyen des cartables). En leur donnant une tribune et en cautionnant par là même leur respectabilité, ils font le jeu de cette association avec un manque de discernement difficilement excusable.
Par comparaison à FdeF, les groupes de pression comme le SELL ou l'ELSPA (European Leisure Software Publishers Association, son homologue européen) feraient presque figures d'enfants de choeur.
Aux Etats-Unis, les groupes de pression disposent souvent d'une force politique et médiatique largement supérieure à leurs homologues européens. Leurs contributions au débat sont régulièrement surprenantes, et, quand elles ne sont pas ostensiblement réactionnaires, parfois amusantes. Ainsi, ces listes des 10 jeux vidéo les plus violents, qui inclue joyeusement des jeux non disponibles dans leur pays ou même non encore sortis.
Faut-il avoir peur des jeux vidéo ?
, Gentiane Lenhard [référence]
Ces quelques liens sont certainement politiquement orientés, voire peut-être sujets à caution. Néanmoins la quantité d'informations qu'ils délivrent (informations que le lecteur critique se devrait de vérifier) brosse un tableau assez alarmant de ce qu'une association dévoyée pourrait perpétrer. A chacun de faire la part des choses et de se faire sa propre idée. Le fait que ces écrits subsistent, en dépit d'une certaine tendance procédurière de FdF, semble plaider en faveur de leur véracité.
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